La Barbade est un territoire fortement touché par les échouements de sargasses, qui couvrent parfois plus de la moitié de ses littoraux.
Les impacts sur les industries de la pêche et du tourisme mettent à mal l’économie du pays, auxquels s’ajoutent des conséquences sur la santé des pêcheurs et sur l’état écologique des plages. La question des sargasses est centrale dans les stratégies territoriales.
Un plan stratégique national a notamment été produit afin d’offrir un cadre d’intervention aux autorités compétentes.
Les algues brunes font l’objet de nombreux projets de recherche notamment portés par le CERMES de l’Université des West Indies (UWI).
Les acteurs du territoire souhaitent transformer cette menace en opportunité grâce au développement de start-up innovantes (Red Diamond Compost, Rum & Sargassum).
Ces initiatives font de la Barbade un État moteur sur la question des sargasses dans les Caraïbes.
Situation actuelle à La Barbade
Depuis 2011, comme de nombreux territoires de la région des Caraïbes, La Barbade subit d’importants échouements d’algues sargasses sur ses littoraux. Lors de ces épisodes désormais récurrents, les quantités d’algues échouées peuvent atteindre plusieurs milliers de tonnes sur les plages barbadiennes, comme en 2021 où plus de 1 600 t ont été nettoyées. Sur les 97 km de littoral que possède La Barbade, environ 66 % soit 64 km se retrouvent inondés pendant les périodes de fortes concentrations de sargasses, entre mars et octobre. Les zones les plus touchées sont les côtes de River Bay, Skeete’s Bay, Conset Bay et Oistins, sur la façade Atlantique de l’île (est/sud).
Conséquences des sargasses sur les activités Barbadiennes
Les secteurs impactés sont multiples : les activités de pêche souffrent de la difficulté d’accès à la mer en raison des bancs de sargasses accumulés sur les plages et dans les eaux côtières.
La mise à l’eau et le halage des bateaux devient problématique. Les mécanismes de refroidissement et de propulsion sont endommagés par des amas d’algues brunes qui s’y retrouvent coincés, augmentant ainsi la consommation de carburant. La pêche de loisir subit également une baisse de fréquentation. La présence de ces « nids de biodiversité » attire de nombreux gros prédateurs qui font concurrence aux pêcheurs : les quantités de prises disponibles diminuent.
L’impact sanitaire des sargasses a été rapporté par les pêcheurs, qui se plaignent entre autres de différents maux (démangeaisons, infections, éruptions cutanées, toux, brûlures, problèmes d’estomac et respiratoires) sans compter la difficulté de travailler avec du matériel chargé d’algues. Le secteur touristique déplore quant à lui une baisse de fréquentation due aux plages inaccessibles.
La dégradation des sargasses et leur accumulation dans les eaux côtières impactent également la biodiversité environnante. Elles engendrent l’asphyxie des autres espèces ; l’augmentation des nutriments et des minéraux ce qui accélère la dégradation des coraux ; la diminution de la photosynthèse en raison du manque de lumière.
Le nettoyage des plages n’est pas sans conséquence. En plus de son coût important, l’utilisation d’engins de collecte peut entrainer le compactage du sol et la perte d’éléments propres à la plage tels que le sable ou la végétation. Les surfaces littorales diminuent alors au profit de la mer.
Gestion opérationnelle et politiques publiques
D’un point de vue opérationnel, les autorités de La Barbade s’appuient sur un bulletin trimestriel publié par le Centre de Gestion des Ressources et d’Etudes Environnementales (CERMES) de l’Université des West Indies (UWI) pour les prévisions d’échouage.
Les quantités d’inondations sont encore peu prévisibles, ce qui rend les actions sur le terrain plus difficiles à anticiper. La National Conservation Commission (NCC) est l’instance gouvernementale chargée de coordonner les activités de nettoyage et de collecte sur le territoire.
Elle s’appuie sur :
– Les recommandations de la Coastal Zone Management Unit (CZMU), une organisation gouvernementale chargée d’établir les plans de gestions des zones côtières ;
– Le Sargassum Adaptive Management Strategy (SAMS), un plan stratégique national visant à répondre à l’invasion de sargasses d’un point de vue décisionnel et organisationnel. Il est issu d’une collaboration entre le ministère de L’Environnement et de l’Embellissement National et Economie Bleue et Verte ; le CERMES-UWI et le GEF Small Grants Programme du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
Les actions de nettoyage sont peu mécanisées car la taille des plages ne permet pas l’utilisation de
gros équipements. La majorité des actions est donc effectuée manuellement.
La Barbade fait partie de plusieurs projets visant à lutter contre l’invasion des sargasses :
– The Project for Improving National Sargassum Management Capacities In The Caribbean (PNUD), depuis mars 2022. Cinq autres États insulaires en développement des Caraïbes orientales participent au projet (Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et- les-Grenadines, Trinité-et-Tobago). A travers les financements du gouvernement du Japon, le but est de fournir à ces États des équipements, une expertise et des connaissances techniques pour la collecte, le transport et l’élimination des sargasses.
– SargAdapt (un projet du Caribbean Biodiversity Fund, avec l’appui du CERMES) de décembre 2019 à décembre 2022. Le projet vise à réduire l’impact et améliorer l’adaptation aux invasions de sargasses en convertissant la problématique originale en opportunité de développement. Les autres États participant à ce projet sont la Dominique, Sainte-Lucie, Saint- Vincent-et-les-Grenadines et Grenade.
Perspectives de valorisation
L’utilisation et le stockage des sargasses une fois la collecte effectuée reste une préoccupation majeure dans la stratégie de lutte de La Barbade. La volonté du gouvernement et de diverses parties prenantes est de transformer cette matière première en profit. En ce sens, le projet du PNUD mobilise également ses « Accelerator Labs » pour trouver des opportunités auprès des MPME (Micro, Petites et Moyennes Entreprises). Plusieurs entrepreneurs locaux cherchent à valoriser les algues, c’est le cas de Red Diamond Compost (compostage), OASIS Laboratory (beauté et soins) ou encore Rum & Sargassum (Biocarburant). Certains chefs essaient d’inclure les sargasses dans leurs menus en tant qu’aliment « nutraceutique » (contraction de « nutritionnel » et « pharmaceutique ») bénéfiques pour la santé. D’autres utilisations sont envisagées : colorant pour l’industrie textile, liant et épaississant pour les aliments pour animaux de compagnie et poissons… Afin de discuter des opportunités territoriales et faire remonter les problématiques liées aux sargasses, un « Sargassum Symposium » est régulièrement organisé pour rassembler scientifiques et représentants des différents secteurs économiques.
La Barbade, État fortement impacté par l’invasion des sargasses, est un moteur dans la recherche et la lutte contre les algues brunes.
Le CERMES continue de mobiliser ses scientifiques sur leurs utilisations potentielles, mais aussi sur les différentes questions relatives à cette problématique : collecte, caractérisation, conséquences, surveillance.